Avec le COVID-19, les vocations auto-entrepreneuriales se multiplient : bonne ou mauvaise nouvelle ?

L’auto-entreprise ne connait pas la crise. Tout du moins si l’on s’en réfère aux chiffres récemment publiés par l’INSEE : +16,5% en 2019, +9% en 2020. Où s’arrêtera donc l’ascendance de cette frénésie entrepreneuriale ?

Avec le COVID-19, les vocations auto-entrepreneuriales se multiplient : bonne ou mauvaise nouvelle ?
Noah
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  • 11 janvier 2021 16:59
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L’auto-entreprise ne connait pas la crise. Tout du moins si l’on s’en réfère aux chiffres récemment publiés par l’INSEE : +16,5% en 2019, +9% en 2020. Où s’arrêtera donc l’ascendance de cette frénésie entrepreneuriale ?

Le COVID-19 et les vocations auto-entrepreneuriales

Les retombées socio-économiques de la pandémie qui secoue le monde ne sont plus à présenter : des millions de pertes d’emploi, de commerces abandonnés et d’hommes et de femmes n’ayant guère plus d’autre choix que de vivre au jour le jour. Selon Opinionway, 83% des indépendants ont dû se résoudre à arrêter leur activité suite aux confinements successifs ; parmi, eux, une écrasante majorité reconnait une perte ad minima de 50% du chiffre d’affaires sur la même période. Pour beaucoup de ceux qui furent heurtés de plein fouet par le virus, il a fallu se battre, trouver de nouvelles façons de gagner sa croute. L’auto-entrepreneuriat avait réponse à tous leurs maux : une entière indépendance vis-à-vis d’un patronat sans merci, la possibilité de mener ses affaires de la façon dont on le souhaite, des aides financières multiples et, peut-être plus important encore, pouvoir continuer à travailler depuis chez soi selon le secteur d’activité envisagé. Rien de surprenant dès lors qu’une partie de la population salariée à la dérive en soit venue à considérer le micro-entrepreneuriat comme seule et unique voie de salut. Ce véritable boom en matière de création d’entreprises a cependant cristallisé le besoin vital pour l’Etat de trouver les moyens d’appuyer et de soutenir la croissance du secteur sous peine d’un écroulement sociétal sans précédent dans les années à venir. Si la FNAE peut se targuer de ces chiffres pour le moins flatteurs, il est impossible de ne pas prêter attention aux motivations profondes de cette explosion des immatriculations auto-entrepreneuriales en 2020 : ni plus ni moins qu’un appel à l’aide d’individus qui n’ont plus d’autres recours que de se lancer dans une aventure dont ils ne maitrisent ni les codes ni le langage, au risque d’aggraver encore davantage une situation qui était déjà des plus précaires.

Comment en outre ne pas noter combien certains secteurs sont étrangers à cette croissance, laissés pour compte car ils n’ont rien d’autre à offrir en ces temps de pandémie que leur sentiment d’abandon : les arts du spectacle, les soins à domicile, les entreprises de service… Ce que Grégoire Leclercq, président de la FNAE questionne tout de go lorsqu’on lui présente les chiffres de l’INSEE, c’est la durabilité des entreprises nouvellement créées. Si on écoute attentivement ses dires, on comprend qu’il faut s’attendre à un net recul des immatriculations dans les années à venir ; pis encore, nombre de micro-entreprises déjà existantes semblent pour ainsi dire condamnées à disparaitre. On parle là de plus de 400 000 entreprises au bord du gouffre qui attendent encore, presque désespérément, un geste du gouvernement qui les sortirait du naufrage. L’exonération des cotisations, convaincante de premier abord est à double tranchant : les cotisations non réglées, si elles n’entrainent pas de pénalités directes, provoquent de facto une réduction dramatique des droits fondamentaux tels que la caisse retraite, les allocations familiales et les indemnités journalières. Bonnet blanc, blanc bonnet.

Les libéraux et la peur du lendemain

Une erreur de scribouillard pourrait en outre avoir de lourdes conséquences sur l’avenir de plus de 350 000 travailleurs libéraux indépendants. Depuis, 2018, ces derniers se voient systématiquement rattachés à la Sécurité Sociale des Indépendants et au régime complémentaire des indépendants (RCI) pour ce qui concerne la retraite complémentaire (auparavant la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse, ou CIPAV, s’occupait de tout). On a cependant récemment appris que, au cours des trois dernières années, les cotisations payées par les libéraux n’ont pas été correctement traitées et que leur retraite complémentaire n’avait donc reçu aucun fonds dans l’intervalle. Cette erreur pour le moins malencontreuse va entrainer, en 2021, une forme de surcompensation, soit “une cotisation complémentaire assise sur les montants de chiffre d'affaires ou de recettes réalisés et déclarés sur la totalité de cette période ou depuis la date de création de leur activité, dont le taux est égal à 5,10 % ». Cerise sur le gâteau, un nouveau décret semble vouloir imposer “la mise en place d'un taux optionnel majoré pour les micro-entrepreneurs membres des professions libérales non réglementés permettant l'acquisition de droits à la retraite complémentaire ». Ce qui signifierait que les microstructures dites « libérales » auraient désormais le choix entre cotiser à une retraite complémentaire ou se contenter de la retraite de base. La Fédération Nationale des Auto-Entrepreneurs (FNAE) n’a pas manqué de s’indigner à la découverte de ce décret, qualifiant la mesure « d'illégale » et dénonçant un risque de scission intra-sectorielle si une seule catégorie d'auto-entrepreneurs venait à se voir octroyer le droit de cotiser ou non à une retraite complémentaire. Grégoire Leclercq, président de la FNAE, n’a d’ailleurs pas manqué d’en appeler à l’annulation totale du décret, citant pour les 3 années de manquement précitées une responsabilité extérieure aux entrepreneurs libéraux ; quant à la possible séparation de la retraite de base et la retraite complémentaire, Leclercq appelle à l’union sacrée et prône l’égalité généralisée des droits de retraite.

Analyse prévisionnelle de cette croissance sectorielle: chacune des strates de la micro-entreprise va devoir continuer à retenir son souffle en attendant des jours meilleurs. Les chiffres vantant la croissance du secteur ne sont qu’une apparence trompeuse ; le micro-entrepreneuriat est bel et bien en crise parce que l’Etat ne se trouve ni en mesure de proposer des mesures efficaces en vue de lutter contre la précarité des auto-entrepreneurs ni en capacité de rassurer les nouveaux venus déjà particulièrement ébranlés par les conséquences de la crise sanitaire. Les secteurs les plus touchés par la pandémie (spectacles, restaurants, etc.) et, dans une moindre mesure les libéraux (sous la menace du décret susmentionné) semblent toujours plus se précipiter vers l’abime sans que rien ni personne ne fasse quoi que ce soit pour freiner leur chute vertigineuse.